Revoir le ciel, la nouvelle exposition personnelle de Sarah Jérôme, s’aborde en deux temps. D’abord, il y a la découverte d’une technique audacieuse de peinture à l’huile sur papier calque. Le choix de ce support insolite remonte à une dizaine d’années. Tout était alors à inventer. Comment capter la lumière ? Conserver l’éclat de la couleur ? Comment conférer toute sa puissance à l’œuvre, sans se laisser déborder par cette matière délicate, difficile à apprivoiser ? Le résultat est là, évident, incontestable : c’est un mélange subtil de permanence et d’éphémère, de transparence et de densité, de robustesse et de fragilité, dans une approche très personnelle de la peinture et totalement assumée.

Revoir le ciel et interroger l’horizon
Vient ensuite ce qui se révèle au-delà de la maîtrise technique. La tendresse des couples enlacés ; la vitalité des corps en mouvement ; ce bain de couleurs, de jaune, de vert, de bleu, inspiré des maîtres du fauvisme et de l’impressionnisme, qui restaure le lien intime et sacré entre l’homme et la nature.
Le choix du titre de cette exposition prend alors tout son sens : dans ce monde troublé, où les menaces s’accumulent, Revoir le ciel est une invitation à nous extraire de nos vies urbaines ultra-connectées pour réapprendre simplement à interroger l’horizon.
Paradoxalement, les personnages ici représentés sont ancrés dans le sol, toujours à proximité de l’eau, tantôt à moitié immergés, tantôt aux abords d’un étang, d’un lac, d’une rive. Cette eau toujours présente redevient l’espace originel de la vie. Il y a dans cette peinture quelque chose de l’Eden perdu, de son souvenir incertain. Existe-il seulement dans nos rêves ? C’est la question qui se pose ici.
Revoir le ciel et sa poésie
Sans doute est-ce la raison pour laquelle de la tristesse et la mélancolie pointent aussi de ces personnages, jeunes, beaux, pleins de santé et de vie, au visage incertain, le dos souvent tourné, guettant un ailleurs, un monde peut-être meilleur. Il y a dans cette peinture quelque chose qui renvoie à la douleur et à l’espérance du deuil, au paradis perdu de l’enfance, et aux promesses infinies de la vie d’adulte.
Revoir le ciel, c’est finalement accepter le changement, l’incertitude, avec tout ce qu’elle offre de possibilités chaque jour renouvelées. C’est à la contemplation d’un monde de rêverie et d’harmonie que nous invite Sarah Jérôme, dans une œuvre éminemment poétique. Lorsqu’on s’arrête sur ces peintures, une petite voix rappelle Le Port, ce poème délicat de Baudelaire, où « l’ampleur du ciel, l’architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser ».





![Sarah Jérôme, En Eaux Vives [Les Glaneurs], 2024, triptyque peinture à l'huile sur papier calque, 2024, 456 x 200 cm, Courtesy H Gallery](https://olgablog.co/wp-content/uploads/2025/03/Sarah-Jerome-En-Eaux-vives-Les-Glaneurs-2024-peinture-a-l_huile-sur-papier-calque-456-x-200-cm-Courtesy-H-Gallery-Paris-HD-1024x451.jpg)
Joévin Canet